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Qualification des spécialistes de l'information en Allemagne

Tendances des enseignements dans les Fachhochschulen

Achim Osswald

La structure fédérale de l’Allemagne a favorisé la multiplication de cursus en bibliothéconomie et sciences de l’information. Ils offrent au niveau des Fachhochschulen (établissements d’enseignement supérieur technologique) et des universités des possibilités de plus en plus variées pour acquérir les compétences nécessaires aux métiers des bibliothèques et de l’information 1.

De nouvelles spécialisations et des enseignements qui combinent en un seul cursus différents domaines scientifiques prennent de l’importance. Dans ce contexte, deux domaines se partagent la vedette : les médias et l’économie. Cette évolution est le signe, d’une part, que le marché traditionnel de l’emploi en bibliothèque et documentation a un avenir incertain. Mais elle nous montre également que ce marché s’élargit à de nouveaux segments, en particulier en dehors des organismes financés par des fonds publics.

Pratiquement toutes les écoles et tous les cursus ont pris en compte ces orientations. Cet article en récapitule les grandes lignes. Par manque de place, il est ici impossible de mener une analyse poussée de chaque cursus.

Trois parties seront consacrées à la présentation des contenus de ces enseignements pour en donner une vue d’ensemble :

–une liste des établissements et de leurs enseignements en bibliothéconomie et sciences de l’information ;

– une vue d’ensemble succincte du paysage bibliothéconomique allemand accompagnée de quelques données structurelles ;

– une caractérisation des niveaux de qualification et des compétences auxquelles préparent les différents cursus.

Les grands thèmes de la formation des bibliothécaires seront ensuite abordés, puis seront formulées des questions essentielles sur les tendances des enseignements.

Les enseignements en bibliothéconomie et sciences de l’information

L’enseignement supérieur en Allemagne est divisé en deux grands domaines : d’un côté, les « Fachhochschulen »

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Tableau 1. Les Fachhochschulen en bibliothéconomie et sciences de l’information

(cf. tableau 1. ; établissements supérieurs d’enseignement technologique) visent, sur des bases scientifiques, à transmettre des compétences nécessaires à la résolution opérationnelle de problèmes ; de l’autre, les université

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Tableau 2. Universités proposant des enseignements en bibliothéconomie et sciences de l’information

(cf. tableau 2) sont traditionnellement tournées plus fortement vers les aspects théoriques et conceptuels de chaque discipline scientifique 2.

D’un point de vue exclusivement quantitatif, les spécialistes de l’information en Allemagne sont essentiellement formés dans les Fachhochschulen. Cet article se focalisera donc sur ces cursus et leurs orientations actuelles. À l’université, les enseignements en sciences de l’information sont souvent choisis comme matière secondaire, en parallèle avec l’enseignement d’au moins une autre discipline scientifique. Parmi les matières enseignées, malgré une tradition académique de plus de trente ans, la qualification en méthodologie de l’information n’a pas acquis le même prestige que les disciplines scientifiques traditionnelles. Les étudiants qui choisissent les sciences de l’information comme matière principale sont nettement moins nombreux que ceux qui les étudient en tant que matière secondaire 3.

Avant même l’établissement académique des sciences de l’information, à partir des années 1960, il était possible de suivre une formation de documentaliste scientifique dans le cadre de la formation permanente. Cette qualification documentaire est reconnue officiellement depuis 1994. Elle est aujourd’hui enseignée à l’ Institut für Information und Dokumentation des Fachhochschule Potsdam (Institut en information et documentation de la FH de Postdam 4.

Elle offre aujourd’hui encore aux cadres spécialisés dans une autre discipline, une voie de qualification orientée vers la pratique, en particulier dans le domaine de la documentation des médias pour la télévision et la radio. Cette qualification est en outre utilisée spécialement pour la reconversion des cadres sans emploi.

Un bref aperçu du paysage bibliothéconomique allemand

Il serait prétentieux de vouloir offrir ici un réel aperçu du paysage bibliothéconomique allemand. Mais, pour une meilleure compréhension des paragraphes suivants, le tableau 3

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Tableau 3. Aperçu du paysage bibliothéconomique allemand

, avec quelques données et des indications structurelles, peut s’avérer utile pour le lecteur français 5.

Le paysage bibliothéconomique allemand est traditionnellement divisé en deux secteurs : les bibliothèques publiques et les bibliothèques scientifiques. Les différences traditionnelles entre ces deux domaines ne peuvent être présentées ici que de manière succincte et légèrement exagérée. Le grand groupe des bibliothèques spécialisées, très disparate dans leur organisation et leur fonctionnement, sera englobé dans les bibliothèques scientifiques. Nous ne nous attarderons pas non plus sur les bibliothèques confessionnelles, en particulier les bibliothèques dites catholiques.

Par leurs méthodes, leurs pratiques, mais aussi en partie par leur public, les deux grands groupes des bibliothèques publiques et scientifiques se sont fortement rapprochés ces dernières années. Il en a résulté la disparition de la dualité des formations et des cursus.

De manière générale, toutes les bibliothèques en Allemagne subissent une forte pression financière. Elles se voient donc obligées de réaliser des économies dans le domaine de la constitution des fonds, ou d’avoir plus souvent recours aux informations sur support numérique. Parfois, une forte réduction de personnel s’avère également nécessaire. De cette pression financière résulte aussi une plus forte commercialisation des services d’information, accompagnée du prélèvement de taxes. Ainsi la bibliothèque peut elle-même couvrir ses frais, ce qui atténue, mais de faible manière seulement, sa position précaire.

Les niveaux de qualification

Traditionnellement, les niveaux d’études et de formation dans les domaines de la bibliothéconomie et de la documentation se basaient sur les différentes catégories de la fonction publique. Les salaires des agents de la fonction publique sont régis par le BAT (Bundesangestelltentarif : Accord tarifaire des agents contractuels de la fonction publique), qui s’aligne sur cette hiérarchie de qualification. Mais on assiste de plus en plus à une érosion de ce système causée entre autres par les deux phénomènes suivants :

La différenciation des profils de qualification demandés

Les domaines d’activités bibliothéconomiques et documentaires traditionnels au sein des organismes financés par le denier public connaissent des réductions d’effectifs. Dans le même temps, on assiste à une spécialisation au sein de chaque domaine d’activité. Les organismes publics, vis-à-vis desquels il existe dorénavant une attente d’efficacité de plus en plus élevée, ont donc besoin de nouveaux profils de qualification qui ne sont plus couverts par les formations traditionnelles basées sur les profils professionnels de la fonction publique. En outre, les secteurs de l’économie et des médias ont de plus en plus recours au traitement informatisé de l’information. Ils ont donc besoin de personnes compétentes en méthodologie de l’information, et possédant un savoir-faire technique et économique. Le domaine des médias en particulier offre donc de nouvelles opportunités sur le marché de l’emploi.

La rémunération basée sur la compétence et la performance

La rémunération dans les secteurs économiques cités ci-dessus est en général supérieure à celle offerte dans le secteur public. Les jeunes diplômés, en particulier ceux qui veulent faire carrière, ont dès lors tendance à délaisser les organismes financés par des fonds publics.

Le secteur de la formation a réagi à ces tendances : les cursus existants ont été réformés et de nouveaux cursus ont vu le jour.

Les tâches d’assistant sur la base d’une formation professionnelle

Depuis 1998, la formation de Fachangestellte für Medien- und Informationsdienste (Assistant spécialisé en services d’information et médias) offre la possibilité de se qualifier dans les domaines des bibliothèques, de la documentation et des agences de presse grâce à une formation professionnelle de trois ans. Elle remplace la formation précédente d’assistant de bibliothèque et de documentation (appelée aussi parfois « mittlere Beamtenlaufbahn », catégorie intermédiaire d’employé).

Ces jeunes diplômés sont très appréciés sur le marché de l’emploi, car ils possèdent des qualifications modernes et méthodiques et leur salaire est peu élevé. Experts dans leur domaine et efficaces, ils ont en dehors du secteur public de très bonnes opportunités d’emploi et de salaire, en particulier dans le secteur des services. Leurs rémunérations peuvent alors atteindre – voire dépasser – celles de la catégorie directement supérieure. Dans les organismes publics, cette latitude est normalement refusée aux jeunes diplômés car la distribution des postes – et donc la rémunération – est en général basée uniquement sur le niveau de qualification initial, c’est-à-dire ici la formation professionnelle.

Les tâches opérationnelles qualifiées

Traditionnellement, les tâches opérationnelles qualifiées du secteur des bibliothèques et de l’information sont effectuées par les diplômés des Fachhochschulen. Dans les bibliothèques des grandes villes et dans les bibliothèques universitaires, qui représentent quantitativement le plus grand secteur du marché de l’emploi, ces tâches sont depuis toujours très spécialisées, voire parcellisées. Les petites bibliothèques, les bibliothèques des villes moyennes, les bibliothèques spécialisées et les bibliothèques appelées one-personal-libraries ont besoin au contraire de personnes possédant plutôt une qualification généraliste. En dehors du secteur public, ces jeunes diplômés occupent souvent des postes de direction, en particulier dans les domaines des services et du consulting. Dans les secteurs spécialisés de la branche informatique, de la gestion de l’information et du savoir, ils peuvent gagner des salaires très élevés. Dans les organismes publics, au contraire, les possibilités d’évolution sont généralement très limitées. Des postes de direction payés de manière adéquate font figure d’exception.

Dans l’avenir, les diplômés des cursus de bachelor des universités pourront – en principe – exercer des postes à ce niveau de qualification. Reste à savoir de quel niveau de compétences opérationnelles ils disposeront réellement.

Les tâches de direction et de management

Traditionnellement, les cadres scientifiques occupant un poste de direction dans le secteur des bibliothèques sont recrutés et formés en interne par le système de stagiaires ou contractuels (« Beamte auf Widerruf ») financé par l’État. Pour cette formation de deux ans, qui comprend un stage d’un an dans une bibliothèque, les participants sont choisis en nombre réduit, par un recrutement spécial, en fonction de leur discipline de spécialité et des besoins des bibliothèques. Les cours sont assurés par les Fachhochschulen de Francfort, Cologne et Munich sur mission de l’État.

En raison de la législation sur les fonctionnaires, mais parfois aussi à cause du cloisonnement socioprofessionnel, il était autrefois impossible pour les diplômés des cursus universitaires en sciences de l’information d’occuper des postes de direction. Ils pouvaient prétendre au mieux au statut d’employé dans le secteur des bibliothèques et se tournaient donc vers d’autres secteurs de l’information.

Dans le secteur documentaire, ce sont des documentalistes scientifiques qui ont occupé pendant des décennies les postes de direction. Jusqu’en 1991, ils étaient formés au « Lehrinstitut für Dokumentation » (Institut de formation en documentation) à Francfort. Puis l’Institut für Information und Dokumentation an der FH Potsdam a repris cette formation continue de deux ans pour les personnes en exercice (voir le tableau 1).

Dans le cadre des formations citées ci-dessus, les participants associent en général un premier cursus universitaire dans la discipline de leur choix avec une qualification complémentaire en méthodologie de l’information, obtenant ainsi une qualification dite croisée.

À partir de 1990, après le rattachement de la RDA à la RFA, de nouvelles influences provenant des méthodes de formation pratiquées en RDA sont apparues dans les deux secteurs des bibliothèques et de la documentation. D’une part, les Länder de l’Est, contrairement à ceux de l’Ouest, ne possédaient pas de formation spécifique de fonctionnaires pour la catégorie des cadres scientifiques en bibliothèque. En RDA, les fonctions de direction correspondantes étaient attribuées après une formation universitaire supplémentaire (qualification croisée). D’autre part, la formation à distance était à l’Est largement répandue. Elle regagne aujourd’hui de l’importance sous la forme du tele-learning.

À la place des formations internes à l’administration, très fortement réglementées quant à leur forme et leur contenu, les Fachhochschulen ont préféré, pour former aux fonctions de direction, mettre en place des masters dans le domaine de l’information. Ce nouveau diplôme fut particulièrement contesté dans les FH où il remplaça la formation précédente, comme à Cologne. C’était en effet remettre sérieusement en cause le dernier élément significatif du concept de carrière administrative. Dans les faits, deux voies de qualification coexistent aujourd’hui :

–la formation des stagiaires ou contractuels en bibliothéconomie (proposée actuellement à Munich uniquement) ;

–les masters dans les secteurs des bibliothèques et de l’économie de l’information dans les Fachhochschulen de Cologne (option « cadre scientifique ») et de Stuttgart, ainsi que les masters des universités.

Le système existant jusqu’à maintenant se trouve donc bouleversé. Dans plusieurs Länder la discussion sur la tendance à suivre bat son plein, tant au niveau politique que sur le plan du contenu des enseignements.

Les tendances des enseignements

Remarque préalable : celui qui observe les changements et analyse les évolutions au sein de l’enseignement supérieur, et plus particulièrement au sein des cursus de Fachhochschulen pour spécialistes de l’information, détecte pour le moins les tendances formulées ci-dessous. Mais il est inévitable qu’il y entre une part de subjectivité. C’est pourquoi il serait souhaitable de l’illustrer par une série d’exemples concrets. Ce n’est possible ici que par les notes de bas de page renvoyant aux différents cursus ou établissements 6. L’auteur prie les lecteurs de bien vouloir l’excuser de cette méthode scientifique expéditive, due à un manque de place.

Voici les tendances en détail :

1.Les deux branches « Bibliothèques publiques » et « Bibliothèques scientifiques » ne servent plus de référence pour les cursus spécialisés dans ces domaines de la bibliothéconomie. De tels cursus, orientés par domaine, sont largement dépassés 7.

2.Les enseignements obligatoires des Fachhochschulen n’abordent plus les aspects spécifiques de ces secteurs de la bibliothéconomie, ni ceux d’autres secteurs spécialisés sur un plan méthodologique, si ce n’est au travers d’options ou de spécialités choisies individuellement par les étudiants 8.

Cette évolution résulte de la situation observée dans les années 1990 : trouver un emploi dans la branche pour laquelle ils s’étaient qualifiés n’allait plus de soi pour les jeunes diplômés. La formation aux tâches spécifiques au sein d’un éventail restreint de bibliothèques perdit donc de l’importance au profit de l’apprentissage de compétences opérationnelles qui est passé au premier plan. Les jeunes diplômés peuvent ainsi être employés dans un environnement professionnel plus différencié.

3.Les enseignements abordent donc les diverses tâches du bibliothécaire qui se retrouvent dans tout type de bibliothèque. Parallèlement, ils prennent en compte les changements de la société et la transformation rapide des technologies de l’information qui impliquent de nouveaux domaines d’activité et de nouvelles méthodes de travail. L’apprentissage tout au long de la vie, l’orientation au sein de la jungle en pleine expansion des offres commerciales ou non d’informations électroniques, l’utilisation compétente des différents médias, ainsi que la production de services d’information spécifiques à un public cible sont quelques mots-clés de ce changement.

4.Ces réflexions et l’érosion des segments d’activité traditionnels se traduisent dans le fait que la dénomination des cursus ainsi que leur contenu sont de moins en moins orientés vers les différents champs d’activités comme la bibliothéconomie ou la documentation. Elle met plutôt en avant les objectifs ou le contenu de l’activité professionnelle. En résumé : « information » et « savoir » sont actuellement les notions phare et non plus « bibliothèque » et « documentation » 9.

5.Parallèlement, les contenus des enseignements ainsi que leur dénomination accordent plus d’importance aux questions économiques du traitement de l’information, à la « gestion de l’information et du savoir ». Dans tous les cursus en bibliothéconomie, des aspects de comptabilité analytique et de management sont venus enrichir les enseignements autrefois appelés « Bibliotheksbetriebslehre » (gestion des bibliothèques) 10.

6.L’attractivité croissante du diplôme en intelligence économique, qui peut maintenant être obtenu comme diplôme de fin d’études d’un cursus de bibliothécaire, fait écho à cette évolution 11.

7.Malgré le renouvellement des contenus et la différenciation des enseignements en bibliothéconomie, l’image du bibliothécaire et de son diplôme n’est toujours pas perçue comme moderne par la société.

Par réaction, de nouveaux cursus d’études avec de nouvelles appellations ont vu le jour au milieu des années 1990 : par exemple « Information documentaire pour les médias » à la FH de Hambourg, « Gestion de l’information et du savoir » à la FH de Darmstadt, « Design de l’information » à la Hochschule der Medien (Institut supérieur des médias) à Stuttgart, « Rédacteur online » à la FH de Cologne. Ils forment à des activités spécifiques, parfois nouvelles et couvrent par là de nouveaux créneaux du marché du travail. De manière purement quantitative, le nombre de places offertes l’est souvent au détriment de celui des places offertes dans les cursus en bibliothéconomie.

8.Les diplômes bachelor (BA) et master (MA), encouragés par le traité de Bologne, seront vraisemblablement proposés dans quelques années dans tous les établissements d’enseignement supérieur. Reste à savoir quels avantages ils apportent réellement aux diplômés sur le marché du travail. Étant donné que le bachelor s’obtient après six semestres d’études, il est à craindre qu’il puisse initialement être plutôt un désavantage pour les jeunes diplômés dans les segments du marché de l’emploi traditionnellement déterminés par les catégories du secteur public. Actuellement, ces diplômes sont le résultat d’une volonté politique en matière d’enseignement, dont les conséquences restent encore peu claires.

9.À la différence des diplômes établis dans la zone anglo-américaine « Library and Information Studies/ Science », diplômes non agréés par la conférence des ministres de l’Éducation, c’est plutôt le « BA/MA of Information and Communication » qui est conféré en Allemagne (Cologne, Stuttgart et Berlin). En réalité, il n’y a jamais eu réellement de lobbying en faveur d’une combinaison du BA ou du MA avec le « Library and Information Studies/Science » (LIS), car, jusqu’à maintenant, les professionnels et les associations du secteur ne considèrent pas les diplômes bachelor et master comme souhaitables.

10.La mise en place de masters ouvre l’accès à une multitude de formations secondaires offrant soit une formation de perfectionnement (à Stuttgart), soit une qualification croisée (à Cologne). De ce fait, le savoir-faire en méthodologie de l’information a de plus grandes chances de se diffuser parmi les diplômés de l’université.

11.Dans l’avenir, l’obtention d’un master facilitera vraisemblablement l’ascension professionnelle pour les fonctionnaires du rang de cadre technique à celui de cadre scientifique.

12.Parallèlement à la mise en place des diplômes bachelor et master, une discussion sur la valeur comparée des diplômes des universités et des Fachhochschulen a vu le jour. Les universités veulent, par là, mettre en doute le niveau de l’enseignement scientifique des Fachhochschulen. Les Fachhochschulen, elles, mettent en doute les compétences opérationnelles des diplômés des bachelors des universités et cherchent à obtenir l’équivalence des masters qu’ils proposent avec ceux des universités.

13.Le système ECTS (European Credit Transfer System) basé sur l’internationalité des cursus – et associé à la modularisation des enseignements – remplace les méthodes d’évaluation traditionnelles. La mise en correspondance des systèmes d’évaluation soulève des difficultés aussi bien au niveau des échelles de notes que des appellations concrètes des notes.

14.La modularisation des enseignements permet une clarté nettement plus grande du contenu de chaque cursus et des méthodes d’enseignement employées. Parallèlement, elle provoque aussi un changement dans le comportement des étudiants face aux études, l’apprentissage dans le cadre d’un ensemble cohérent n’étant pour le moins pas encouragé.

15.La modularisation et le système de crédits ECTS augmentent certes les possibilités d’accélérer ses études, mais l’organisation de leurs études par les étudiants eux-mêmes risque d’être motivée uniquement par un souci d’efficacité.

16.À cause de l’internationalisation des cursus, les connaissances en anglais deviennent de plus en plus importantes. Ainsi, jusqu’à 20 % des enseignements sont dispensés dans cette langue. Les autres langues nationales – malgré l’orientation européenne des cursus – n’ont que peu d’importance. C’est pourquoi la plupart des semestres d’études ou de stages à l’étranger sont réalisés dans des pays anglophones 12.

17.Les cursus accordent aujourd’hui beaucoup plus de valeur aux compétences dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, et aux compétences sociales et communicatives (appelées soft skills). On attend notamment des étudiants qu’ils possèdent une capacité de communication, une compétence à résoudre des problèmes et de la créativité, associées à une volonté de rendement, une capacité à agir de manière autonome et à travailler en équipe 13.

18.Après la mise en place d’Internet comme moyen usuel de communication et d’information dans l’enseignement supérieur, des méthodes d’enseignement et d’apprentissage multimédia associées à des plates-formes universitaires virtuelles sont testées assidûment depuis environ deux ans. L’interchangeabilité des modules d’apprentissage est également à l’origine d’un échange renforcé entre les établissements sur les contenus à propos de leur compatibilité 14.

19.Grâce aux possibilités de télécommunication offertes par Internet, la demande en cursus à temps partiel et à distance croît rapidement. Ces nouveaux cursus sont amenés à remplacer en partie les voies habituelles d’études ou de formation continue 15.

Les offres de formation continue pour bibliothécaires

La formation continue en bibliothéconomie en Allemagne est caractérisée par l’hétérogénéité des structures et des offres, liée à la responsabilité des Bundesländer en matière de politique culturelle et considérablement influencée par leur situation financière respective. La majorité des organismes responsables des formations pour bibliothécaires se situent au niveau régional. Les formations vont donc se concentrer sur les problèmes et les questions actuelles de la catégorie majoritaire, les petites et moyennes bibliothèques. Quand les formations sont proposées au niveau du Land, elles abordent également des thèmes comme l’évolution et la structure des différents domaines de la bibliothéconomie ou des différentes catégories de personnel. La section de formation continue du Hochschulbibliothekszentrum (Centre des bibliothèques universitaires du Land Rhénanie du Nord-Westphalie) à Cologne, qui rentre dans cette catégorie, a joué ici un rôle précurseur 16.

En règle générale, la formation continue des bibliothécaires en Allemagne est financée directement ou indirectement par les Bundesländer, en raison de leur compétence en matière de politique culturelle. Elle est donc subventionnée par des fonds publics, seule manière d’atteindre la majorité des bibliothèques et de leurs employés. Les organisateurs privés de formation en bibliothéconomie n’ont joué jusqu’à présent qu’un rôle minime. Cependant ils proposent de plus en plus de cours en ligne pour lesquels ils font appel à des bibliothécaires comme enseignants 17.

À cause des différences régionales au sein des offres, les régions possèdent des niveaux de savoir-faire inégaux, ce qui influe sur la compétitivité des bibliothèques.

Les Fachhochschulen et les universités proposant des cursus d’étude en bibliothéconomie ne proposent pas systématiquement des formations continues. La tradition, selon laquelle la formation continue était considérée comme une mission originelle de ces institutions, a depuis longtemps disparu. Dans les faits, seules quelques institutions isolées, comme par exemple la Bayerische Bibliotheksschule ou la Fachhochschule für Bibliothekswesen à Francfort, prennent en charge de telles activités. Mais les raisons en sont explicitement politiques : il s’agit d’utiliser les infrastructures des établissements financées par l’État (pools d’ordinateurs, logiciels spéciaux, savoir-faire des professeurs).

L’avenir des cursus en bibliothéconomie et sciences de l’information : questions ouvertes

En arrière-plan des tendances actuelles présentées dans cet article, les questions formulées ci-dessous restent ouvertes. Elles sont également sujettes à controverse dans le microcosme des spécialistes proprement dits. Malheureusement, elles ne sont pas encore assez discutées ouvertement – mis à part par quelques représentants d’associations professionnelles. Pourtant les conséquences pourraient bien se faire sentir à court ou moyen terme.

– Quel profil de formation – qualification croisée ou qualification spécialisée – sera le plus adapté au marché du travail à long terme ? Ou encore : dans l’avenir, aura-t-on encore réellement besoin de purs spécialistes de l’information ?

– Que doivent offrir les études ? Une formation méthodologique large ou plutôt une spécialisation pointue dans un domaine d’application précis et limité (sur le plan méthodologique) ?

– Les enseignements et les cursus orientés vers les médias peuvent-ils s’intégrer dans l’enseignement, ou l’image de la profession, comme variantes modernes, plus valorisantes des cursus orientés vers les méthodes et le traitement de l’information ? Le cas échéant, par quel moyen peut-on y arriver ?

– Quelles vont être les conséquences de l’équivalence probable entre le Diplom et le bachelor ?

– Étant donné que des catégories de population de plus en plus larges sont familières de la recherche et du traitement de l’information, on peut se demander dans quels domaines la compétence méthodologique des spécialistes de l’information est réellement nécessaire, voire indispensable et pourra être rétribuée ?

Ces questions se réfèrent parfois aussi à la vision que les bibliothécaires ont de leur rôle et de leur métier. C’est un élément à prendre en compte pour l’organisation des enseignements 18. L’orientation à donner à la pratique professionnelle et à la formation reste encore à déterminer. De manière concrète : les bibliothécaires et autres spécialistes de l’information ont-ils plutôt :

–un rôle de médiateur pour les processus de la diffusion de l’information et de la gestion de l’information ou du savoir ?

–une fonction sociale dans le domaine du renforcement de l’éducation aux médias et à l’information des adultes ?

–une fonction pour la science et la recherche ?

–une fonction culturelle et historique de conservation des valeurs culturelles et de la mémoire de l’humanité ?

Ces questions n’ont toujours pas trouvé de réponse. Mais il serait grand temps de s’y intéresser !

Octobre 2002

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Etablissements proposant des enseignements en bibliothéconomie et sciences de l’information en Allemagne

  1.  (retour)↑  Traduit de l’allemand par Lise Rebout.
  2.  (retour)↑  Traduit de l’allemand par Lise Rebout.
  3.  (retour)↑  À propos de la situation au milieu des années 1990, cf. Thomas Seeger, « Zum Stand der Professionalisierung : Beruf und Ausbildung in Deutschland », in Marianne Buder et al. (Hrsg.), Grundlagen der praktischen Information und Dokumentation, Band 2, München 1997, p. 927-944.
  4.  (retour)↑  Les données proviennent des sites Internet des établissements cités.
  5.  (retour)↑  Il faudrait mener une analyse spéciale pour présenter plus précisément les tendances au sein des universités.
  6.  (retour)↑  http://www.iid.fh-potsdam.de/ Jusqu’en 1991 au Lehrinstitut für Dokumentation (LID : Institut d’apprentissage en documentation) à Francfort.
  7.  (retour)↑  D’autres liens relatifs à la bibliothéconomie allemande sont proposés à l’adresse : http://www.dbi-berlin.de/bib_wes/bib_wes.htm
  8.  (retour)↑  Pour les sources, reportez-vous aux sites Internet indiqués dans le tableau 1.
  9.  (retour)↑  Seule la formation interne à l’administration proposée à Munich offre encore une formation uniquement basée sur les branches professionnelles. On peut éventuellement citer les secteurs des bibliothèques scientifiques de musique (Stuttgart), des bibliothèques biomédicales (Hanovre) et de la chimie (Darmstadt), pour lesquels il existe encore de telles spécialisations proposées dans le cadre d’enseignements de spécialité ou d’enseignements optionnels.
  10.  (retour)↑  Par exemple les enseignements de spécialité du cursus « bibliothéconomie » de la FH de Cologne ou les options dites obligatoires du cursus « gestion de l’information » de la FH de Hanovre.
  11.  (retour)↑  Cela correspond aussi aux problèmes d’image et de marketing abordés plus loin.
  12.  (retour)↑  Par exemple dans le domaine « gestion d’entreprise, organisation » du cursus en bibliothéconomie de la FH de Cologne. Il en est de même pour les domaines correspondants des cursus de Hambourg (Gestion des bibliothèques et de l’information), de Hanovre (Gestion de l’information) et de Stuttgart (Bibliothèques et organismes d’information).
  13.  (retour)↑  Cursus « Gestion de l’information » de la FH de Hanovre. Ce diplôme a été mis en place par l’ancien département « Information et communication » de la FH de Darmstadt, aujourd’hui appelé « Gestion de l’information et du savoir ». Ce diplôme est également proposé à la FH de Cologne.
  14.  (retour)↑  C’est tout au moins l’expérience de la FH de Cologne. L’ex-Carl-Duisberg-Gesellschaft (maintenant InWent) a également remarqué cette tendance dans toutes les disciplines au sein des stages semestriels à l’étranger qu’elle soutient financièrement. Les étudiants vont dans un pays non anglophone, seulement dans les rares cas où ils possèdent déjà d’autres connaissances linguistiques.
  15.  (retour)↑  L’acquisition de telles qualifications-clés, dans la mesure où elle peut être prise en charge dans le cadre des études, a lieu principalement dans des cours spécifiques avec des formes d’enseignement adaptées.
  16.  (retour)↑  Par exemple dans le cadre du projet 2MN – Modules pour l’enseignement supérieur multimédia en réseau – auquel participent entre autres les départements « Gestion de l’information et du savoir » de la FH de Darmstadt et la Faculté de sciences de l’information et de la communication de la FH de Cologne.
  17.  (retour)↑  À ce propos, cf. par exemple le cursus à temps partiel proposé par la Hochschule der Medien à Stuttgart.
  18.  (retour)↑  Cf. : http://www.hbz-nrw.de/produkte_dienstl/fortbildung/index.html
  19.  (retour)↑  Par exemple : http://www.bibweb.de/index.html http://www.akademie.de/ http://www.lerneniminternet.de/
  20.  (retour)↑  Je voudrais remercier ici mon collègue, le Pr Winfried Gödert, pour ses apports sur ce thème.