L'enseignement
la formation

La “formation à l’information” (Information Literacy) en Europe

Retour à la rubrique Publications

La “formation à l’information” – traduction littérale d’Information Literacy – est une notion en débat parmi les professionnels de l’information et fait l’objet de nombreux séminaires ou congrès, le dernier en date étant celui de l’IFLA 2004. Chaque professionnel œuvre à cette tâche d’importance auprès de ses utilisateurs, l’objectif étant de leur donner le maximum d’autonomie par rapport à leur recherche d’information. Il existe plusieurs acceptations ou définitions de cette notion.

Dans un ouvrage paru en 2003 *, le Conseil national de la recherche italien nous offre un panorama très complet sur la situation en Europe de la formation à l’information, avec une douzaine d’articles écrits par des enseignants, chercheurs ou bibliothécaires européens. Chaque article expose une situation particulière : nous les avons répartis par zone géographique (Europe du Nord, de l’Ouest et du Sud) permettant ainsi d’avoir un état global de la situation européenne.

L’introduction de Carla Basili (Université LUMSA de Rome) souligne le besoin d’une formation à l’information pour l’utilisateur, rappelant que la masse d’information disponible (notamment sur Internet), si elle présente un avantage certain, est aussi un facteur déroutant. L’Union européenne, au travers du programme eEurope, reconnaît que les notions d’e-government, e-education et e-content sont d’importance majeure à l’heure actuelle. La formation à l’information est à la croisée des chemins entre le social, l’éducation et l’information : les programmes européens consacrés à l’information (du programme « Impact 1 » lancé en 1988 à « eContent » pour 2005) montrent que l’Union européenne développe une véritable politique par rapport à l’information. La promotion d’une culture de l’information en fait partie intégrante. L’initiative EnIL (European network on Information Literacy) rassemble des experts avec pour objectif la mise en place d’une stratégie commune concernant la formation à l’information en Europe.

Certains pays d’Europe du Nord (Belgique, Hollande, Danemark, Finlande, Suède) exposent leur situation : en Belgique, suite à une enquête, il apparaît que la formation à l’information relève du niveau local et non pas national et qu’une initiative plus globale impliquant politiques et enseignants serait grandement profitable aux étudiants. La « Vrije Universiteit » de Bruxelles organise, pour sa part, des sessions de formation à destination des pays en voie de développement. En Hollande, le gouvernement a pris la mesure du problème et a inscrit la formation à l’information dans le cursus universitaire. Les professionnels hollandais souhaitent maintenant que cette question soit abordée dans le cursus scolaire. Au Danemark, il existe également une politique nationale de formation à l’information, avec le support de DEF (Danish Electronic Research Library). La Finlande apparaît comme un pays avancé en la matière avec de nombreuses collaborations universitaires et l’accent mis sur la formation à distance. En Suède, un organisme spécialisé a été créé, NORDINFOlit (Nordic Information Literacy Institute) : la formation à l’information est devenue la tâche prioritaire de NORDINFO (Nordic Council for Scientific Information).

En Europe de l’Ouest (France, Allemagne, Irlande, Grande-Bretagne), S. Chevillotte et E. Noël de l’Enssib estiment que la formation à l’information est une préoccupation qui remonte à une dizaine d’années. Avec FORMIST en France, l’objectif de mettre en lien un arsenal d’outils de formation à distance est rempli. J. Link-Pezet et et O. Ertzscheid présentent la recherche d’information comme un processus dynamique qui fait partie d’un concept plus global, la gestion des connaissances. Au travers de FoRSIC (plate-forme de gestion des connaissances), ils mettent en avant l’importance de mettre en place une ontologie, en l’absence d’autres outils de classification dans le champ qui nous occupe. Les universités allemandes offrent, pour leur part, des cours de formation à l’information, mais il semble que les qualifications pédagogiques pour cet enseignement doivent être réajustées ou complétées. Une étude sur l’utilisation des ressources électroniques réalisée dans ce cadre universitaire montre cependant que l’appropriation de ces ressources par les étudiants n’est pas si évidente. L’Irlande ne semble pas connaître la notion de formation à l’information, absente du vocabulaire : l’action politique est surtout concentrée sur l’aspect « technologie de l’information » (utilisée dans le contexte plus global de la société de l’information). En Grande-Bretagne, la situation est très différente de celle de l’Irlande, la formation à l’information étant prise en compte par un certain nombre d’acteurs : politiques, fournisseurs d’information, bibliothèques, enseignants.

L’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) présente une situation contrastée : en Italie, ce champ est complètement pris en charge par les sciences de l’information. La formation à la technologie numérique à l’école ou en formation continue, la présence de deux réseaux nationaux (IRRE et EDA) sont autant d’initiatives pour diffuser cette méthodologie. La Grèce inscrit principalement la formation à l’information dans l’enseignement délivré aux étudiants en sciences de l’information. Le Portugal l’inclut dans le concept plus large de société de l’information. L’Espagne le voit comme un outil de benchmarking ou comme un modèle de management stratégique.

Le panorama donné ici montre combien la notion de « formation à l’information » est prise en compte différemment selon les pays européens, avec des conceptions parfois opposées ou approchantes. L’inscription dans une action politique, dans un programme d’enseignement apparaît comme la meilleure méthode. Le concept plus large de « société de l’information » auquel tous les pays sont sensibles, devrait cependant aider à dévelloper et appliquer la formation à l’information en Europe.

Ce texte paraît également dans la Rubrique « Notes de lecture » de la revue Documentaliste-Sciences de l’information, n° 41, 6, décembre 2004

* Information Literacy in Europe : a first insight into the state of the art of Information Literacy in the European Union / ed. by Carla Basili. – Roma : Consiglio Nazionale delle Ricerche, 2003. – XIV-315 p. – (Note di bibliografia e di documentazione scientifica, ISSN 0085-2309 ; LXVI)

Cop. Jean-Philippe Accart, 2005.